Dr. Denis MUKWEGE Président
Denis Mukwege: «Notre projet de société prévoit de mettre fin à la guerre, fin à la faim et fin aux vices»

Denis Mukwege: «Notre projet de société prévoit de mettre fin à la guerre, fin à la faim et fin aux vices»

Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats à la présidentielle du 20 décembre prochain en République Démocratique du Congo. Parmi eux, Denis Mukwege, prix Nobel de la paix en 2018. Âgé de 68 ans, le célèbre médecin a été surnommé « l’homme qui répare les femmes » pour les soins prodigués aux femmes congolaises victimes de viols et de mutilations sexuelles dans l’est du pays. Il se présente en tant que candidat indépendant avec l’ambition de « réparer » le Congo.

En RDC, les électeurs sont appelés aux urnes le 20 décembre pour élire leur président. Les candidats à la magistrature suprême s'expriment sur RFI.


RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?

Docteur Denis Mukwege : Pendant plus de 20 ans, j’ai mené des plaidoyers en faveur de la paix, surtout lutter contre l’impunité dans la région où malheureusement le corps des femmes a été utilisé comme champ de bataille. Et malgré tout ce que nous avons essayé de faire pour ramener la paix, nous avons trouvé des obstacles. En fin de compte, on nous ramène toujours à ce que ça soit les hautes autorités de notre pays qui puissent répondre à ces atrocités. Cela n’a pas été fait. Donc, au lieu de continuer à demander aux autres, j’ai décidé de prendre cette décision, qui est difficile, mais nous avons franchi cette étape.

Quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État de la RDC ?

Je viens de le dire. Je crois que notre priorité, c’est de rétablir la paix en République démocratique du Congo. Il n’y a aucun projet de développement qui peut se faire dans ce pays tant qu’on aura des groupes armés des pays étrangers qui sèment la mort ici à l’est du Congo.


Comment allez-vous vous y prendre pour y faire face si vous êtes élu ?

Notre projet de société prévoit de mettre fin à la guerre, fin à la faim et fin aux vices. Nous allons réformer le secteur de la sécurité. Dans un pays comme la République démocratique du Congo – depuis 1996, quand nous avions été envahis, agressés – l'armée en République démocratique du Congo a été constituée par un mixage, brassage de groupes armés et, en évidence, on voit très bien que ces groupes n’arrivent pas à travailler ensemble comme un corps d’armée. Notre première réaction sera de réformer le secteur de la sécurité pour avoir une armée qui est capable de sécuriser nos frontières, de garantir l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo. Pour imposer la paix, nous allons avoir recours à une mission internationale d’imposition de la paix, pas de maintien de la paix, mais d’imposition de la paix. Et pour ça, nous avons les expériences des missions qui ont imposé la paix dans d’autres pays, et même en République démocratique du Congo, le cas de l’Ituri, c’est un cas parlant. Et une fois qu’on aura cette stabilité, effectivement, nous avons un programme de développement que nous allons pouvoir mettre en place.

Une des critiques qu’on vous fait souvent est de ne pas avoir de base électorale. Est-ce que ce n’est pas un handicap pour vous ?

On verra ça le 20 décembre. Je suis déjà en pleine campagne et je suis satisfait de la mobilisation. Partout où nous passons, nous voyons que la population nous écoute avec attention et la population accueille notre projet de société. Donc, je laisse à ceux qui prétendent qu’on n’a pas de base continuer à croire à ça. Partout où je suis passé, la population est derrière le projet de société que nous avons présenté.

Mais si vous gagnez les élections, avec quelle majorité allez-vous diriger ?

Cette majorité peut se constituer sur la base de ces députés qui vont adhérer à notre vision. Et avant même qu’on soit élus, on a déjà à plusieurs députés qui font notre campagne alors qu’ils sont dans des partis politiques traditionnels. Et cela montre très bien qu’il y a beaucoup de Congolais, pas seulement des Congolais, même des politiciens, qui croient à notre projet de société.

Nous sommes à quelque trois semaines du début de la campagne électorale en RDC, est-ce que vous ne regrettez pas de vous être lancé dans l’arène politique ?

Pas du tout. Pour moi, c’est une question de responsabilité. Cela fait trente ans, c’est depuis 1993 d’ailleurs, que les troubles ont commencé à l’est du Congo. Et donc, je ne pouvais pas rester indifférent. Et à mon humble avis, les Congolais vont comprendre, que la lutte que nous menons depuis vingt ans pour ramener la paix et la justice en République démocratique du Congo, mérite leur soutien à ce suffrage universel pour se choisir un président qui voit dans la même direction que le peuple congolais.

Par :Esdras Ndikumana
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